Theo Romain
 
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Cycle(s)

Théo Romain, lui, propose d'interroger une posture artistique plus traditionnelle : celle du sculpteur. Ses réflexions principales tournent autour d'une confrontation des symboliques que nous attachons aux matériaux et aux formes. L'œuvre est ici envisagée comme un assemblage physique de divers imaginaires, toujours liés au contexte d'exposition. Les piédestaux de Calais, qui présente trois socles réalisés à partir de matériaux de construction, relève de cette logique : la forme, celle du socle, ou plutôt du piédestal, renvoie à l'emblématique sculpture Les Bourgeois de Calais réalisée par Rodin en 1895 et placée sur la place de l'Hôtel de Ville ; les matériaux (bois de construction et bâche noire) rappellent, eux, les constructions de fortune réalisées par les exilés tentant de survivre dans la « Jungle de Calais ». Deux imaginaires que Théo Romain met en dialogue à partir, nous le répétons, d'un jeu purement sculptural. L'œuvre se fait alors dispositif symbolique : la sculpture, celle de la pure tradition héroïque d'un Rodin, est réduite à son simple socle, objet uniquement potentiel, comme si elle attendait de célébrer les sacrifiés d'aujourd'hui. Il s'agit donc également d'un recyclage : Eustache de Saint-Pierre, martyr d'hier, célébré comme un héros municipal, pourrait être remplacé par la figure fantomatique de ceux·celles qui meurent véritablement aujourd'hui dans l'ombre de Calais. Les Bourgeois de Calais est symptomatique de la pratique du jeune artiste car ses œuvres sont toujours en tension avec leur contexte d'apparition. Il lui est inenvisageable d'exposer à Calais sans mettre en tension l'identité de la ville (ce qu'elle pense être) avec son actualité (ce qui la meut réellement). Il nous semble alors que le cœur de cette pratique est finalement lié à un terme encore peu pensé : celui de dignité. La dignitas latine indiquait autant ce que le mot désigne toujours aujourd'hui (le mérite, la considération) que, par résonance, ce que dit sa racine dek* et que nous entendons par décors (ce qui sied, ce qui élève, ce qui contextualise). Chez Théo Romain, la sculpture redevient un marqueur temporel, un objet de célébration. Elle redevient donc, également, un objet devant contextualiser, relever, considérer, ce qui n'est pas à sa place. Cela nous semble littéral dans Les Bourgeois de Calais : notre imaginaire doit être repensé.


Jean-Baptiste Carobolante.